Spectacle, musique

Attention au Pit Bull, il mord!

Pit Bull, de Lionel Spycher


Mise en scène de Mohamed Brikat
Par la Compagnie Détours
Théâtre de l’Iris, à Villeurbanne (janvier 2009)

Pit Bull, c’est l’histoire d’une cité et de ses jeunes; c’est l’histoire de rêves et de drames; c’est l’histoire d’une vie rêvée et de la réalité…
Tout au long de la pièce, on suit l’itinéraire de cinq jeunes, entre trois blocs de béton sans âme et un canapé, entre l’ombre et la lumière (très sommaire).
L’un d’eux a disparu, ce sera l’absence présente, celle qui va cristalliser tous les destins autour d’elle, celle qui va précipiter la vie…ou la mort. (Jusque-là, ça part bien.)
Son meilleur ami végète, avachi sur un canapé et rendu complétement stone par les drogues, comme si ces dernières étaient le seul moyen de survie dans la cité, ville qui fleurte avec les nuages mais dont on ne peut plus sortir. La drogue lui permet aussi quelques envolées lyriques, quelques « beaux » discours sur la cité…(C’est bien connu, la drogue est source de création)
Outre le stéréotype du drogué (le seul personnage qui tient la route), on rencontre aussi le petit caïd dont la seule ambition est l’argent, toujours plus d’argent. Mais plutôt que de travailler pour mériter son sou, le jeune participe à des combats de chiens et mise sur sa bête, est prêt à l’attacher à une voiture et à la traîner sur 500m (autrement dit à la faire se déchiquetter) pour quelques billets…Bien entendu, en plus d’être cruel et vénal, il aime le cul (pardonnez-moi l’expression): la fille de la cité n’est bonne qu’à consommer et la vulgarité est de mise.
Parlons-en des filles, justement. L’une est perdue, paumée: sa mère s’est suicidée, son frère a disparu, son père ne la regarde plus. Sentiment de ne pas exister, de ne pas être reconnue. Sentiment d’être cloîtrée dans la cité, de n’avoir aucun avenir ailleurs. Alors que ce personnage aurait pu être d’une grande richesse, très profond dans les sentiments qui l’animent, il se révèle superficiel et vulgaire.
L’autre est littéralement illuminée: « il faut bien croire en quelque chose ». Une pure fanatique sous des airs de princesse. Elle profite de la détresse des uns, de l’avachissement des autres pour mener une sorte de guerre sainte contre la société. La cité, c’est le Bien. Les autres, c’est le Mal. Il faut anéantir la société, prendre le pouvoir, etc.
Ah! J’allais oublier la cerise sur le gâteau, l’apothéose: la Police. Dans cette tragédie, pas de deus ex machina, mais un « police ex machina »…Dans la cité, la police n’est là que pour « enculer » (c’est le jeu de scène des acteurs qui me fait employer ce mot) les jeunes. La Police traite les jeunes comme des chiens, ce sont des misérables à abattre. Evidemment…

En bref, alors que Pit Bull se présentait comme un pied de nez aux préjugés, ceux véhiculés par les média ou par tout un chacun, Pit Bull entretient gravement ces mêmes préjugés. A savoir: les jeunes de cité ne sont que des drogués ou des « sans-cervelle », des gens paumés intéréssés par l’argent sale, des jeunes qui ne font rien pour s’en sortir, des filles soumises et inexistantes aux yeux des hommes, sans oublier les descentes de flics véreux…Et cetera, et cetera.
Aux préjugés, ajoutons la vulgarité: tous les jeunes de cité parlent avec un accent aux limites de l’agressivité et avec grossiéreté.
N’oublions pas non plus l’appel à la guerre sainte! La société, totalement diabolisée, regarde ces jeunes pourrir et s’en délecte. Rien n’est fait pour aider personne. Tout est trop injuste (Caliméro, sors de ces corps!).

Je vais personnellement prendre parti (c’est déjà fait me direz-vous): cette pièce est mauvaise, aussi bien le texte que le jeu des acteurs. Si jamais elle comporte un propos en filigranes, je ne l’ai pas compris. Mais j’en doute fortement. J’ai été horrifiée de l’image donnée de la cité. Non, non, et encore non! Tous les jeunes de cité ne sont pas ainsi. Quel(s) intérêt(s) de véhiculer encore davantage ces préjugés? N’y en a-t-il pas assez??? Quel(s) intérêt(s) -encore une fois- d’appeler à une guerre entre la cité et les autres? Le fossé n’est-il pas déjà assez grand?
Bravo pour l’ouverture! On va avancer main dans la main avec ce genre de pièces, c’est sûr!

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