Littérature

A la recherche du moi perdu …

Aujourd’hui, je vais vous parler de ma lecture de l’été: un best-seller, toujours à la une des ventes et qui a déjà quelques années derrière lui… Un livre que je lis après tout le monde!
Depuis quelques temps, les couvertures bariolées et ethniques (qui me font penser à l’art aborigène) des Pancol et leur titre m’attiraient. J’hésitais encore un peu… Puis, un collègue m’a dit: « il faut que tu lises ça, c’est génial! ». Et j’ai foncé à ma librairie, les Pancol seraient ma lecture de l’été!

Les Yeux jaunes des crocodiles (tome 1)

La Valse lente des tortues (tome 2)

De Katherine Pancol

Ed. Livre de poche, 2006 et 2008


Synopsis

Joséphine, la quarantaine, étouffe. Elle travaille dur sur sa thèse et rédige des articles sur le XIIème siècle, siècle précurseur du nôtre. Elle fait vivre son mari, ses filles, son foyer: cuisine, courses, ménage, argent. Son mari est au chômage et ne croit plus en rien, pas même en sa famille, en sa femme. En bref, elle fait tout, porte tout sur ses frêles épaules et s’oublie. De belle et mince, elle devient « empâtée » et négligée. Elle ne se supporte plus, elle ne supporte plus sa vie.
Antoine
, son mari, étouffe aussi. Ses grandes ambitions l’ont mené plus bas que terre. Vivre au crochet de sa femme, c’est comme un pieu qui le crève un peu plus chaque jour. Il retrouve un peu sa virilité auprès de Mylène, jeune esthéticienne du quartier.
Iris, grande soeur de Joséphine, vit dans les beaux quartiers: beau mari, beau fils, belle maison et femme de chambre, sans oublier un très beau compte en banque et une très grande beauté. Iris a tout. Du moins en apparence. Iris, aussi, étouffe.
Philippe, le mari d’Iris, étouffe. Grand avocat renommé, riche et bon, il ne supporte pas ce qu’il est devenu. Il aspire à plus de simplicité.
Joséphine, Antoine, Iris, Philippe, les noyaux d’une histoire dans laquelle va graviter tout un petit monde: les enfants, les voisins, les passants… Des destins, tous liés, qui se cherchent, se trouvent parfois.

Mon avis

J’ai beaucoup, beaucoup aimé ces deux livres, à tel point que je ne sais pas trop comment en parler ni par quel bout commencer…

A peine lu le premier paragraphe, j’étais « accroc ». On passe sans arrêt d’un personnage à l’autre, dans la pure tradition des romans polyphoniques (= à plusieurs voix), dans la droite ligne des Manhattan Transfer (de Dos Passos) ou des Chroniques de San Fransisco (de Maupin) auxquels on pense tout de suite à la lecture (et un peu, aussi, aux Gavalda, notamment
Ensemble, c’est tout mais sans le côté « conte de fées »): même rythme trépidant, même histoires tortueuses, mêmes personnages classiques ou au contraire loufoques, mais toujours
avec un secret à protéger. Bref, la construction des deux tomes fonctionne très bien et maintient l’intérêt du lecteur. Suspense bien géré (même si beaucoup de rebondissements sont prévisibles)! En outre, chaque personnage a « une » voix: le style de l’auteur (bien écrit!) s’adapte à la personnalité de ses personnages, à leur vocabulaire, à leur âge, si bien qu’on croit pénétrer leurs pensées…

J’ai également aimé ce que raconte ces livres: la vie, tout simplement. Des chroniques du quotidien. Des gens qui essaient d’être heureux, qui galèrent, qui se cherchent. Relations
professionnelles, amoureux, fidèles ou clandestines, fraternelles, maternelles, paternelles. Les échecs, les réussites. Les doutes, les joies, les peines. On sourit, on rit, on pleure (c’est une image!), on s’interroge, on discute… En fait, toute la vie tient dans ces deux tomes.
En revanche, j’ai un peu moins aimé l’intrigue secondaire autour du personnage de Shirley: trop irréaliste, pas crédible. C’est une fiction, j’en conviens, mais j’aime le vraisemblable de cette histoire. Un deuxième bémol concernant le second tome, beaucoup moins réaliste, beaucoup plus polar…

Enfin, j’ai aimé les personnages, tous représentant « un type »: la fille ordinaire, la fille belle, le repenti, le fou, le looser, la garce, le faux moche, etc… Un panel de la société. Il y en a
pour tout le monde! Tous les âges, tous les goûts! Evidemment, Joséphine, personnage central, contient un peu de toutes les femmes. C’est un beau personnage (bien qu’un poil agaçant parfois). La mer lui sert de métaphore pour parler de sa vie: de noyée, elle devient survivante: perdue en pleine mer, presque noyée, elle tente de gagner la surface, puis de prendre les bonnes vagues qui la porteront au rivage. Parfois, les courantes l’égarent. Parfois, les vagues l’éloignent un peu plus de la mer, ou lui font boire la tasse. Jamais, elle ne perd espoir.
Mon personnage préféré est sans doute celui d’Iris, personnage le plus pathétique et le plus tragique des romans (selon moi). Toute une vie fondée sur des faux-semblants, sur des mensonges. Un vide abyssal en elle. Une souffrance immense que cachent sa beauté et ses yeux ensorceleurs. Sourire au monde, faire bonne figure et dissimuler sa douleur. Une détresse indéfinissable et une soif de bonheur que semble démentir sa superficialité. Iris, prête à se jeter à corps perdu, toute entière dans ses illusions; prête à tout oublier (jusqu’à son fils!) pour des chimères. Un personnage hors de son temps, digne des Médée ou des Phèdre.

En fait, c’est le genre de lecture qui se passe de commentaire. C’est la vie à lire. Rien de moins.
La fin du tome 2 laisse présager une suite… (de nombreux rebondissements encore possibles!)

D’autres avis:
– celui de Leiloona, tout autant emballée visiblement par Les Yeux jaunes…, et beaucoup moins par La Valse…
– celui d’Edelwe.
Si vous avez écrit un billet sur ces romans, n’hésitez pas à me le signaler dans les commentaires et je ferai un lien.


Extraits du Tome 1, Les Yeux jaunes…

Début du roman – Première partie
Joséphine

« Joséphine poussa un cri et lâcha l’éplucheur. Le couteau avait dérapé sur la pomme de terre et entaillé largement la peau à la naissance du poignet. Du sang, du sang partout. Elle regarda les veines bleues, l’estafilade rouge, le blanc de la cuvette de l’évier, l’égouttoir en plastique jaune où reposaient, blanches et luisantes, les pommes de terre épluchées. Les gouttes de sang tombaient une à une, éclaboussant le revêtement blanc. Elle appuya ses mains de chaque côté de l’évier et se mit à pleurer.

Elle avait besoin de pleurer. Elle ne savait pas pourquoi. Elle avait trop de bonnes raisons. Celle-là ferait l’affaire. Elle chercha des yeux un torchon, s’en empara et l’appliqua en garrot sur la blessure. Je vais devenir fontaine, fontaine de larmes, fontaine de sang, fontaine de soupirs, je vais me laisser mourir.

C’était une solution. Se laisser mourir, sans rien dire. S’éteindre comme une lampe qui diminue.

Se laisser mourir toute droite au-dessus de l’évier. On ne meurt pas toute droite, rectifia-t-elle aussitôt, on meurt allongée ou agenouillée, la tête dans le four ou dans sa baignoire. Elle avait lu dans un journal que le suicide le plus commun chez les femmes était la défenestration. La pendaison, pour les hommes. Sauter par la fenêtre ? Elle ne pourrait jamais. Mais se vider de son sang en pleurant, ne plus savoir si le liquide qui coule hors de soi est rouge ou blanc. S’endormir lentement. Alors, lâche le torchon et plonge les poignets dans le bac de l’évier ! Et même, et même… il te faudra rester debout et on ne meurt pas debout.

Sauf au combat. Par temps de guerre…

Ce n’était pas encore la guerre.

Elle renifla, ajusta le torchon sur la blessure, bloqua ses larmes, fixa son reflet dans la fenêtre. Elle avait gardé son crayon dans les cheveux. Allez, se dit-elle, épluche les pommes de terre… Le reste, tu y penseras plus tard ! »

Première partie (toujours) – p.163 et 283

Iris

« Je vais mal, en ce moment. Cette apparence dégagée et aisée que j’ai entretenue si longtemps se craquelle, et il en émerge un bric-à-brac de contradictions. Il va
bien falloir que je finisse par choisir. Aller dans une direction mais laquelle? Seul l’homme qui s’est trouvé, l’homme qui coïncide avec lui-même, avec sa vérité intérieure, est un homme libre. Il sait qui il est, il trouve plaisir à exploiter ce qu’il est, il ne s’ennuie jamais. Le bonheur qu’il éprouve à vivre en bonne compagnie avec lui-même le rend presque euphorique. Il vit véritablement alors que les autres laissent couler leur vie entre les doigts… sans jamais les refermer. »

« J’ai beaucoup reçu à la naissance, plus que toi, c’est vrai, mais j’ai pressé la vie comme un citron et il ne me reste plus qu’un vieux zeste auquel je tente de
donner du goût. »

11 commentaires sur “A la recherche du moi perdu …

  1. « C’est la vie à lire » : entièrement d’accord avec toi pour le premier tome, pour le second en revanche, je trouve qu’il part un peu voire beaucoup de tous les côtés … je l’ai moins aimé que le premier.

  2. Je suis un peu comme Leiloona. j’ai beaucoup aimé le premier tome mais beaucoup moins le deuxième, dont plusieurs éléments m’ont un peu énervée…

  3. J’ai aussi adoré ces 2 bouquins que j’ai lus il y a quelques mois. La vie, c’est exactement ça, et comme toi j’aime la vraisemblance des histoires. Certains personnages me rappelaient des proches – notamment Joséphine, qui paraît « faible » aux yeux de tous, qui paraît écrasée par sa soeur, que tout le monde a envie de protéger ou d’écraser encore plus, alors que pour moi au final c’est elle la plus forte, c’est elle qui va à chaque fois se relever, un peu un phénix quoi ;), qui va jamais lâcher. Ceux qui paraissent forts vont se casser la figure car au final c’est eux les faibles qui cachent leur faiblesse derrière un masque, comme Iris que personnellement j’ai détesté – normal c’est la méchante ! Mais je trouve qu’elle mérite totalement son malheur, elle l’a bien cherché, et ses idéaux sont à côté de la plaque, elle passe à côté de l’essentiel pour des faux-semblants… enfin je n’ai aucune pitié pour ce genre de personnes, peut-être que je n’ai pas de coeur ??
    Mais bon, tout ça pour dire que j’ai beaucoup aimé !

  4. A lire ton billet, j’ai très envie de courir au magasin pour aller les acheter!!!!
    je les notes sur ma liste!
    bonne soirée 😉

  5. Le premier est dans ma PAL depuis quelques semaines ( tu vois tu n’es pas la seule à le lire après tout le monde). Ton article me donne envie de le faire remonter de quelques places!

  6. J’avais adoré le tome 1, moins aimé le tome deux (cf mon billet). Je trouve que tu analyse très bien le personnage d’Iris. Moi c’est le personnage d’Hortense que je préfère!

  7. J’ai lu et bien aimé la première partie, mais je ne suis pas sûre d’avoir envie de lire la seconde. Vers la fin du livre je trouvais que ça commencé à partir un peu dans du n’importe quoi et j’ai peu que le deuxième partie ne me plaise pas du tout.

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