Le dimanche, c’est poésie!
Depuis quelques semaines, Ankya nous offre à lire des Fables de La Fontaine. Que de bons souvenirs et de belles lectures! On ne s’en lasse jamais.
Cela m’a donné envie de lui faire un petit clin d’oeil aujourd’hui. Je propose donc à mon tour une fable, plus subversive, plus « dure » et ambiguë, fondée sur les fables anciennes, les peurs
collectives, les actualités, etc…
Un détournement de fable en quelque sorte.
PS: toujours en retard dans mon Google Reader (100 publications à lire!), mais je ne vous oublie pas!
Je serai au rendez-vous de Rangoon demain.
# 8 – Dimanche poétique
Le Loup, la louve et le louveteaux
Le loup, l’horrible loup qui fait peur aux enfants,
Le loup maigre et cruel qui guette,
Assassin précis, l’innocent
Et l’emporte poissé de sang,
Rentre au foyer le soir où les siens lui font fête
Et s’écrie : » Vilains garnements,
J’espère qu’aujourd’hui vous avez été sages ?
Quand les petits loups sont méchants
Jésus pleure dans les nuages.
Votre maman n’a pas à se plaindre de vous ? »
« Non, non, s’écrient les petits loups,
Dis-lui, maman, de vraies images.
On s’est même laissé lécher
Sans pleurer !
Que nous apportez-vous, papa, pour récompense ? »
« Un beau petit agneau tout frais.
Vous voyez, il palpite encore… »
« Quelle chance !
Crient les mignons. Papa, laissez-nous l’achever. »
« Ils se portent bien, ils dévorent »,
Dit la louve, l’œil attendri.
Et le couple, comblé, regarde
Le joyeux carnage de ses chers petits.
« Je n’ai jamais vu de loup plus dur, dit le garde.
Pissant le sang partout, dix balles dans le corps
Sur ses pattes brisées il se dressait encor.
La louve près de lui était déjà tuée,
Les louveteaux aussi. Il ne défendait plus
Que des cadavres. À la fin pourtant on l’a eu.
Et savez-vous, en rentrant de cette curée,
Ce que m’a dit la plus petite de mes filles ?
Pour un mot d’enfant, ce n’est pas banal… »
Le garde aussi aime bien sa famille…
Un monde d’innocents se tue et se torture.
Ce grouillement géant de meurtres et de mal,
Sous le regard froid de la lune,
C’est ce que l’homme appelle une nuit pure…
Pour Monsieur Lazareff (1), rien à mettre à la une
Dans son journal.
Jean Anouilh (1910-1987)
(1) Lazareff, directeur de France Soir au temps de sa plus grande diffusion
Poursuivez votre voyage poétique en rendant visite à: Celsmoon. Edelwe, Mango, Emmyne, Paradoxale, Chrestomanci, Laurence … Ankya, Herisson08 ,Anjelica , Schneeweiss , George, Uhbnji, Fleur…
Extra !
Je t’ai tagguée 😉 Bon dimanche en poésie !
Terrible! Anouilh avait la dent dure!
Effectivement une fable moins conventionnelle !
Merci pour ce clin d’œil ! Et tu as raison, celle-ci est très dure 😥
Mon auteur préféré.