Littérature

Juke books de l'été – Spécial "Ames en peine" – n°1

« Alles brennt, wenn die Flamme nur heiB genug ist. Die Welt ist nichts als ein Echmelztiegel. »
Tout brûle si la flamme est assez forte. Le monde n’est qu’un creuset.

Dans ce juke books, je ne présenterai qu’un seul livre que j’avais envie de lire depuis bien longtemps… Un coup de cœur pour de nombreux blogueurs! Et une lecture commune pour Kali et moi.

Les Âmes brûlées

Andrew Davidson

Titre orig.: The Gargoyle
Trad. anglais (Canada): Nathalie Zimmermann
Ed. Plon (2009) – Poche: Pocket (2010)

 

L’histoire en quelques mots
Suite à un accident, un homme rejoint le service des grands brûlés. Blessé, décharné, amputé… d’homme, il est devenu monstre. Alors qu’il ne pense qu’à mourir pour de bon, la morphine devient son seul salut jusqu’à l’arrivée d’une visiteuse, aussi fascinante qu’étrange, qui vient lui conter son histoire. Et lui, cet homme, ancien Phoebus, nouveau Quasimodo, en fait partie. Leur histoire commence dans l’Allemagne du XIIe siècle, dans le mystérieux couvent d’Engelthal. Sans chercher à démêler la vérité des affabulations, l’homme écoute Marianne Engel, découvre le sens profond et universel de l’Amour et devient finalement plus humain qu’il ne l’a jamais été. Un long chemin s’ouvre à lui…

Qu’en dire?
Nul doute: ce roman offre une lecture prenante car c’est une véritable descente aux Enfers. On assiste à la chute d’un homme, à une chute violente et douloureuse, mais nécessaire pour que l’homme se relève. S’ensuit alors la longue voie de la rédemption, de la délivrance. Ce roman est emprunt de mysticisme: Dieu, la Foi, mais surtout l’Enfer (des hommes!) et l’Amour (des hommes aussi) occupent une place importante. Pour autant, ce n’est pas un livre de propagande, ce n’est pas un livre religieux et il ne vous convertira pas. Son histoire, son message s’inscrivent au-delà de ces considérations.
Pas de moralisme religieux donc, mais cette omniprésence religieuse se justifie par le cadre de l’histoire, lié à l’Allemagne médiévale. Et il est à noter que le roman est richement documenté à ce sujet et offre également une lecture instructive: on apprend beaucoup sur la vie des couvents, les gargouilles, les Condotta (mercenaires) et surtout sur les tensions entre cultes religieux, sur l’usage et la fabrication des livres, notamment à propos des ouvrages « sensibles », voire sulfureux comme l’Enfer de Dante, véritable bombe à l’époque.
De l’omniprésence divine découle l’élément du Feu: le feu purificateur, le feu destructeur… feu passionnel en somme. Ce dernier occupe une place tout autant physique et médicale que symbolique. « Notre » homme, dont le corps est brûlé au 3ème voire 4ème degré, décrit dans les moindres détails son état, les soins reçus, et surtout « l’après ». Et c’est douloureux! Même pour le lecteur… Mais encore une fois, c’est aussi très instructif. De l’analyse scientifique au symbole, il n’y pas plus qu’un pas: le feu permet la renaissance.
Cependant, le feu ne brûle pas que les corps, il consume également les âmes et les cœurs: c’est l’Amour, la Lumière. Certes ce roman aborde la médecine, pose un regard parfois ironique ou cynique, arpent les paradis artificiels, mais ce n’est pas un roman à la Urgences ou à la Dr House. C’est surtout le roman d’un Amour qui transgresse les lois divines ou infernales, qui traverse les siècles et les mondes (le Japon, l’Italie mais aussi l’Islande), et qui frappe des hommes et des femmes que tout semble opposer… Par sa parole, Marianne redonne vie à ces unions maudites et par ces histoires, happe littéralement le lecteur.
Au final, au travers de l’Amour, du Feu et du mysticisme, ce roman interroge le corps et l’âme. Il pose également la question du regard de l’Autre: l’apparence suffit-elle à nous rendre humain ou l’humanité se trouve-t-elle à « l’intérieur »? Faut-il que les autres nous perçoivent comme « humains » pour qu’on le soit? Etc. Quel est l’Essentiel? De même, le roman évoque la souffrance: celles du corps mais aussi celles que l’on ne voit pas, celles qu’on veut perdre dans les drogues… Ce roman doit certainement trouver un écho chez de nombreux lecteurs…

Trois bonnes raisons de lire Les Âmes brûlées:
Les récits de Marianne Engel sont de véritables petits contes, merveilleux, étranges et oniriques.
Semblable aux cercles infernaux de Dante, la guérison de l’homme brûlé est longue… douloureuse… et captivante.
Ce roman aussi étrange que riche, tantôt fiction, tantôt documentaire, ouvre la voie à de nombreuses questions existentielles et interroge notre rapport aux autres, au Corps et à son apparence, mais aussi à l’Amour ou à la Foi.

Trois petites remarques:
– La couverture est très belle! C’est aussi elle qui m’a donné envie de lire ce roman…
– Le premier chapitre est très, très accrocheur! Attachez bien vos ceintures… et ne craignez pas le feu! Récit d’un accident comme on en voit au cinéma. Mais en mots, plutôt qu’en images, c’est pire, bien pire!
– J’ai lu ce roman il y a bien deux mois et j’ai souvenir que la fin m’a un poil frustrée, laissée sur ma faim… Mais peut-on se fier à un souvenir?

Début du premier chapitre (pour donner le ton)
Les accidents, comme l’amour, frappent ceux qui s’y attendent le moins, souvent avec violence.
C’était vendredi saint, et les étoiles commençaient seulement à se dissoudre dans l’aube. Tout en conduisant, par habitude, je frottais la cicatrice sur ma poitrine. J’avais les yeux fatigués et la vue brouillée, ce qui n’était pas étonnant vu que j’avais passé la nuit penché sur un miroir, à aspirer les barreaux de poudre blanche qui emprisonnaient mon visage dans le verre. Je croyais aiguiser mes réflexes. J’avais tort.
D’un côté du virage, c’était le précipice à flanc de montagne, de l’autre une forêt obscure. J’essayais de garder les yeux rivés devant moi, mais j’étais envahi par le sentiment que quelque chose me guettait derrière les arbres et allait me tomber dessus, une troupe de mercenaires peut-être. Sûrement une petite crise de paranoïa causée par la drogue. J’ai resserré les mains sur le volant et senti mon coeur battre plus fort cependant qu’un voile de transpiration se posait sur ma nuque.
J’avais coincé une bouteille de bourbon entre mes jambes, et j’ai voulu la prendre pour boire une nouvelle rasade d’alcool. Mais la bouteille m’a échappé et m’est tombée sur les genoux, m’arrosant copieusement avant d’atteindre le plancher. Je me suis baissé pour la ramasser avant qu’elle ne se vide complètement, et c’est au moment où mon regard a quitté la route que j’ai eu la vision, la vision absurde, qui a tout déclenché. Une volée de flèches enflammées jaillissait des bois et se précipitait vers ma voiture.

Et l’avis de Kali, c’est par là!

27 commentaires sur “Juke books de l'été – Spécial "Ames en peine" – n°1

  1. aie aie aie… je vais être la voie discordante… malgré quelques passages historiques intéressants, j’ai détesté ce roman !! Je l’ai trouvé vraiment « à chier »…désolée 🙂
    L’ex-acteur de X qui voit bruler son outil de travail…ahem…
    Je ne comprends pas qu’il remporte tant de succès…

    1. A dire vrai, j’avais oublié ça… C’est vrai que les débuts où l’Homme est focalisé sur son « outil de travail » laisse sceptique et je l’ai même trouvé détestable par moments. Mais, il change et c’est ce chemin que j’ai apprécié.
      En tout cas, si tu l’as lu jusqu’au bout tout en le trouvant nul, chapeau! C’est un gros morceau!
      Et pas besoin de t’excuser, il en faut pour tous les goûts! Et je trouve même « sain » qu’un livre ne fasse jamais l’unanimité!

  2. Certes la couverture est très belle, mais j’ai mal au dos rien qu’en regardant la grandeur du tatouage… Bon d’accord c’était l’avis d’une petite nature… 😉

  3. Sans avoir un avis aussi tranché que celui de Choco, je n’ai finalement pas aimé ce livre. Nus avons un avis bien divergent cette fois-ci! Et Choco, merci pour ta petite voix négative, je me sentais un peu seule dans ce concert de louanges! Parce que de tous les articles que j’ai pu lire, le tien comme d’autres moins récents, je n’ai trouvé personne qui n’ait pas eu de coup de coeur, ou qui au moins n’ait pas vraiment beaucoup aimé.

    1. Oh, tu sais, il y a des bouquins qui semblent faire battre les cœurs à l’unisson, mais, heureusement, il y a toujours quelques moutons noirs dans la masse! Et c’est sain…
      Dans la même veine, tout le monde semble avoir adoré « Vera Candida ». Ben, moi, j’ai pas aimé et j’ai très rapidement oublié cette lecture…

    1. Tu crains les récits ayant pour cadre le Moyen Age?
      Dans ce roman, ce qu’on apprend du Moyen Age est assez surprenant et les angles de vue portés sur cette période diffèrent de ce qu’on a l’habitude de lire… On est loin des châteaux, des chevaliers courtois et autres princesses ou seigneurs.
      Tu serais peut-être agréablement surpris(e) finalement…

  4. Je partage totalement ton avis, tu proposes une analyse très juste de ce livre que j’ai moi aussi adoré. cline (lachambredeslivres.over-blog.com)

    1. C’est effectivement la couverture qui a capté mon intérêt… Puis je l’ai vu inscrit dans la liste des coups de cœur de nombreux blogueurs… J’étais « obligée » de le lire! ^^

    1. Les histoires de Folie? ou de Moyen Age? ou encore de médecine?
      Je t’avouerai que les premières pages du roman m’ont soulevé le cœur… C’est « gore ».

  5. Il m’a énormément plu quand je l’ai lu, à sa sortie en VO. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre et moi, grande sceptique, j’ai voulu y croire!

    1. Et tu as eu bien raison!!!
      Les premières pages m’ont également interrogée: où ça va nous mener tout ça? Et cette folle? Et en fait, on a envie de croire à cette folie!

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