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My absolute darling, ou la fureur de vivre

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Tu es censée arriver à cette porte et être convaincue que l’enfer t’attend de l’autre côté, être convaincue que la maison est pleine de cauchemars. Chacun de tes démons enfouis, tes pires frayeurs. C’est ça que tu dois traquer dans cette maison. C’est ce qui t’attend au bout du couloir. Ton putain de pire cauchemar. Pas une silhouette en carton. Entraîne-toi à avoir de la conviction, Croquette, élimine l’hésitation et le doute, développe en toi une singularité absolue dans tes objectifs, et si tu dois un jour franchir le seuil d’une porte et entrer dans ton enfer personnel, alors tu auras une chance, une unique chance de survivre.

My absolute darling

Gabriel Tallent

Ed. Gallmeister, 2017

 

L’histoire, en quelques mots

A quatorze ans, Turtle n’a rien d’une ado ordinaire. C’est une vraie connasse. Si on en croit son père. Elle souffre du système scolaire, elle souffre à la vue de ses congénères. Elle se réfugie dans les bois et ne fait qu’un avec la Nature. Elle s’apaise au contact de son Sig-Sauer qu’elle frotte et astique chaque soir. Comme un rituel rassurant. Seul réconfort dans cette vie de solitude.

Jusqu’à ce qu’elle croise la route de Brett, Jacob et Cayenne…

 

Comment parler de ce roman sans trop en dire ?

« My absolute darling », c’est le roman de la Souffrance, avec un grand S. Si l’on comprend très vite que Julia (ou Turtle) se perd dans sa vie au point de ne plus savoir qui elle est vraiment, si l’on comprend très vite qu’elle n’a aucune estime d’elle-même tant le monde entier lui renvoie une image dévalorisante, si l’on comprend très vite enfin qu’elle est abusée par son père, on ne peut pas non plus rester de marbre face à Martin, son père. C’est bien là que réside l’adresse de Gabriel Tallent qui, derrière les tourments que subit Julia, réussit à humaniser ce Connard de père (avec un grand C.). Martin est habité tout à la fois d’une intelligence très fine, d’un regard lucide et sévère, d’une aura débordante et d’une violence inouïe, violence psychologique qui dérape parfois en violence physique. Il maltraite incessamment sa fille, l’oppresse d’un amour absolu. Tout en voulant ce qu’il y a de mieux pour elle. Tout en croyant à son éducation « à la dure ». Mais Martin est lui-même en détresse. Lui-même perdu dans un monde auquel il ne croit pas, dans un monde qu’il rejette. Il se sait perdu. Et comment rester insensible à sa souffrance ?

Souffrance qui entraîne irrémédiablement celle de sa fille, Julia. Les affres de tout adolescent ? Turtle ne les connait pas vraiment et n’en veut pas. Les soirées, les robes, la beauté ? Elle s’en contrefiche. Elle grandit dans une maison austère, entourée d’armes et d’outils, entre un père malhabile et un grand-père à l’ancienne. Dure d’être une ado ordinaire. Et pour cause. Elle doit survivre. Au quotidien. Comment ne pas voir un lien entre sa vie et le choix de son surnom ? Turtle. Une fille extraordinaire, d’une force épatante, qu’elle doit sans doute à la carapace qu’elle a dû se forger, à son éducation des plus rustiques. Une fille malmenée, agressée au plus profond de son cœur et de sa chair, détruite. Mais pas anéantie. Une fille qui, n’ayant connu que la vie que Martin lui offre, en vient à accepter la douleur. Une fille qui, se sentant si nulle, en vient à accepter cette vie. Elle n’a connu que ça et elle n’est pas si sûre de vouloir autre chose. Elle oscille entre la culpabilité, l’adoration de son père et l’envie de fuir. Mais pourquoi mériterait-elle autre chose ? Et pourtant, cette voix tout au fond d’elle, à peine audible, lui fait entendre qu’elle doit lutter, qu’elle doit vivre. Turtle, ou le roman de la souffrance, de la culpabilité, de l’amour et de l’émancipation.

La nature joue un rôle prédominant dans cette tragédie en huis clos. Force indomptable, c’est une alliée de Turtle, un refuge immense, sauvage et dangereux. A son image. L’océan tumultueux, les forêts sombres, la faune aux aguets. Cadre idéal pour le drame qui se joue entre la fille et son père, qui n’est pas sans rappeler l’univers des contes…

Ce roman dégage une telle force, une telle puissance, c’est un tsunami émotionnel. On boit la tasse avec Turtle, elle nous envahit tout entier, nous absorbe, nous consume. L’auteur dépeint en effet avec tant de justesse, de finesse les émois, les questionnements, les dilemmes cruels qui habitent ses personnages qu’on vit avec eux, qu’on souffre avec eux.

My absolute darling est de ces romans qui broient les tripes et le cœur. Dont on ressort avec une amertume intense, un goût salé dans la bouche, des varechs accrochés aux jambes.

Et, bien évidemment, c’est un livre à lire. ABSOLUMENT.

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